rory a écrit:

La grande porte noire lui fait face. Sa porte, celle qu'il a si souvent ouverte sans avoir besoin de sonner, celle dont il possède un double des clés depuis une bonne douzaine d'années. Le numéro de son appartement est gravé dessus en lettres dorées et cela fait bien dix minutes qu'il se le répète, inlassablement. Il peut entendre des pas provenant de l'intérieur, signe qu'elle est là juste derrière, signe qu'encore seulement quelques mètres les séparent. Son cœur se serre un peu plus chaque fois qu'il lit le numéro de son appartement. Il a peur, peur de sa réaction, peur de la sienne aussi, peur de ne pas trouver les mots justes pour expliquer son geste. La pression monte en lui, comme il ne l'a jamais encore connu dans toute sa vie. Son poing s'approche dangereusement de la porte, puis s'éloigne. Il inspire une fois, deux fois et le rapproche à nouveau. Ça y'est, c'est l'heure, il faut qu'il le fasse. Il frappe une fois, puis une autre. Il sait qu'elle va le reconnaître uniquement à sa façon de frapper à la porte. Il es tendu et n'arrive pas à tenir en place. Il ne sait pas quoi faire de ses mains, tapant le rythme d'une chanson sur sa cuisse afin de se déstresser. Il entend les pas de Cora qui s'approchent doucement de lui. Plus que quelques secondes et il va enfin pouvoir revoir son visage. Elle lui a tellement manqué, plus qu'il ne l'aurait imaginé. Quel idiot il a été. C'était facile de fuir mais maintenant qu'il faut revenir et demander pardon, ce n'est plus la même musique. Il sent sa présence derrière, comptant les secondes dans sa tête. Quatre. Le trousseau de clé bouge, elle doit chercher la bonne. Trois. Elle insère la clé dans la serrure. Deux. Elle la tourne deux fois. Un. La porte s'ouvre et le voilà face à elle. Il la regarde dans les yeux un instant avant de les détourner. Elle est encore plus belle que la dernière fois qu'il l'a vu. Un silence s'installe entre eux. Aucun des deux ne sait trouver les bons mots face à ce retour inattendu. La connaissant sur le bout des doigts, il sait qu'elle ne va pas tarder à l'incendier et à lui faire vivre l'enfer, alors il brise le silence. - Surprise.. C'est tout ce qu'il arrive à prononcer. Il ose la regarder à nouveau, sachant qu'il va passer un sale quart d'heure.

Aujourd'hui, Cora a décidé qu'il était bien temps de faire un grand ménage du printemps. Même si elle est légèrement maniaque du ménage et déteste laisser de la vaisselle ou des vêtements traîner, elle a tendance à négliger certaines tâches comme le nettoyage des fenêtres ou l'aspirateur derrière les meubles. Armée de patience et de son plus vieux t-shirt, elle récure l'appartement de fond en comble depuis ce matin. Soudain, elle entend cogner à la porte. Elle se demande qui cela peut bien être. Elle n'attend personne et il ne lui semble pas avoir commandé de colis sur Internet dernièrement. Elle s'empresse de retirer ses gants et va ouvrir. Au fur et à mesure qu'elle avance vers la porte, un drôle de pressentiment s'installe au fond d'elle. Elle ne pourrait expliquer pourquoi, mais elle sent que quelque chose d'important est sur le point de se passer. Quand elle ouvre la porte, son cœur manque un battement. Plusieurs, même. Elle se sent immédiatement transportée trois ans en arrière et tous ces sentiments enfouis depuis si longtemps remontent à la surface en un instant. Comme s'ils étaient cachés derrière une grande porte depuis tout ce temps et que quelqu'un venait de l'enfoncer sauvagement. Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais aucun son n'en sort. Elle a presque envie de refermer la porte aussitôt et de reprendre le cours de sa journée, comme si rien ne venait de se passer. Comme si Rory ne se trouvait pas devant la porte de son appartement. Rory, qui avait été son meilleur ami depuis plus longtemps qu'elle ne pouvait se rappeler. Rory, qui avait partagé tous les moments importants de sa vie et qui la connaissait mieux que quiconque. Mais surtout, Rory, qui l'avait abandonné pour New York sans la prévenir, sans lui dire au revoir. Surprise.. Les mots ne lui venant toujours pas, c'est la main de Cora qui se charge de répondre. Elle lance à Rory une bonne gifle en plein visage, signe de toute la colère qu'elle a accumulée en trois ans.